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connoître enfin les hommes, les juger, & les conduire avec ſuccès ?

Bien. Mais, ma ſœur, je ne vous ai jamais dit que Clarinde fût ſimple & ſans inſtruction.

Lum. Vous avez cultivé ſon eſprit, vous lui avez donné des talents ?

Bien. Oui, ma ſœur.

Lum. Clarinde a des talents ?

Bien. Oui, ma ſœur.

Lum. Mais c’eſt une plaiſanterie —

Bien. Non, je vous dis l’exacte vérité.

Lum. Mais, que ſait-elle donc ?

Bien. Tout ce que ſait Roſalide.

Lum. Mais, ma ſœur, comment ſe peut-il que jamais on n’en ait parlé ?

Bien. J’ai voulu qu’elle eût des talents, non pour les afficher, mais pour ſon amuſement & celui de ſes amis ; elle n’en tire aucune vanité, elle ne cherche point d’admirateurs, & elle n’a point d’envieux.

Lum. Quoi que vous en diſiez, je doute de la perfection de ſes talents : elle a ſi peu d’eſprit !

Bien. Ma ſœur, vous vous trompez encore, Clarinde a beaucoup d’eſprit.

Lum. Ah cela, par exemple —

Bien. Oui, ma ſœur, elle en a infiniment ; je conviens qu’elle ne ſait ni ſe moquer, ni contrefaire, ni diſſerter ; elle n’a jamais tourné en ridicule la bonhommie & l’ignorance ; elle ne trouve pas que ce ſoit un crime impardonnable de manquer à ce que nous appellons uſages du monde ; elle fait cependant toutes