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vous cachez le mien ; vous êtes plus vive que moi, & —

Lum. De bonne foi, vous croyez que Clarinde ſera préférée ?

Bien. J’ai mis tous mes ſoins à l’en rendre digne.

Lum. Et moi depuis quinze ans je ne me ſuis occupée que de l’éducation de Roſalide.

Bien. Vous lui avez donné beaucoup de talents, vous avez orné & cultivé ſon eſprit, c’eſt une juſtice qu’on doit vous rendre.

Lum. Et ſon cœur, ſes principes & ſes ſentiments ?

Bien. Je n’en puis juger, je ne les connois pas.

Lum. Pour moi je ne puis juger des talents & de l’eſprit de Clarinde, car je ne les connois pas.

Bien. On peut juger du moins de ſa bienfaiſance, de ſa douceur, de ſon égalité, & de ſon bon ſens. Il me ſemble que perſonne ne lui diſpute ces qualités. C’eſt l’eſtime & l’amour des peuples qui doivent aujourd’hui proclamer une Reine ; ainſi, ma ſœur, je puis n’être pas ſans eſpérances.

Lum. Ainſi vous trouvez la ſupériorité nuiſible dans une Princeſſe faite pour régner.

Bien. La véritable ſupériorité eſt celle qui fait gagner tous les cœurs, je n’admire que celle-là.

Lum. Et la haine & l’envie que produit le mérite, vous n’y croyez pas ?

Bien. Une ame ſenſible, un caractère égal & doux mettent à l’abri de la haine ; & quand