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ce que je penſe — & cependant, malgré cette extrême vanité, je ſuis preſque toujours mécontente de moi-même ; comment accorder cela ?

Lum. Elle eſt charmante ! Embraſſez-moi, ma chere Roſalide. Ah ! ſi vous n’êtes pas ſatisfaite de vous, qui donc pourra jamais l’être de ſoi-même ?

Roſ. Je ne me plains point de la nature, elle m’a donné un cœur ſenſible & reconnoiſſant. Je dois me louer de la fortune, qui m’a procuré une bienfaitrice telle que vous ; mais, Madame, quoi que vous en diſiez, j’ai des défauts qui vous échappent, parce que vous m’aimez, & dont je m’apperçois, malgré moi, parce que j’en ſouffre.

Lum. Elle en revient toujours à ſes défauts. Je voudrois bien que ma ſœur entendît cette converſation, elle qui vous croit ſi vaine, & qui me cite ſans ceſſe la ſurprenante humilité de ſa Clarinde. Enfin, ce jour, chere Roſalide, ce jour, le plus beau de ma vie, va fixer votre deſtinée au gré de mes ſouhaits ; je vous verrai ce ſoir Reine de l’Iſle heureuſe ; ma joie ne ſera troublée que par la peine qu’éprouvera ma ſœur : car elle a la folie de concevoir les plus grandes eſpérances pour ſon éleve ; comprenez-vous qu’on puiſſe pouſſer l’aveuglement à ce point ?

Roſ. Je ne puis juger du mérite de la Princeſſe Clarinde ; je la connois ſi peu, & je l’ai vue ſi rarement, quoique nous ayons été l’une & l’autre élevée dans ce palais.

Lum. Comme ma ſœur avoit des idées ab-