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Cén. Ah, ma ſœur ! vous allez préférer le flacon couleur de roſe.

Iph. (ſe regardant toujours.) Je n’ai jamais trouvé ma laideur ſi ſinguliere, ſi difforme ; — certainement, Cénie, la vôtre eſt moins déſagréable.

Cén. Juſqu’ici vous m’aviez paru penſer tout le contraire.

Iph. C’eſt que je ne m’étois pas examinée avec ſoin — Ah ! je me rends juſtice ; ſûrement votre figure n’eſt pas auſſi choquante que la mienne.

Cén. Quelle idée !

Iph. Premiérement, vous êtes beaucoup moins boſſue que moi.

Cén. Je n’en crois rien.

Iph. (ſe regardant toujours.) Je ſuis ſans comparaiſon plus rouſſe que vous.

Cén. Je ne vois pas cela.

Iph. Mais regardez, voyez nos deux figures dans ce miroir, vous en conviendrez.

Cén. (ſe penche & ſe regarde.) Ah, je ſuis mille fois plus affreuſe que vous.

Iph. Ma ſœur, quel parti prendrons-nous ?

Iph. La Fée a beau dire, il eſt impoſſible qu’avec de ſemblables viſages, on puiſſe jamais ſe montrer dans le monde.

Cén. Sous un dehors ſi révoltant, prendroit-on la peine d’aller chercher de l’eſprit, un bon caractère.

Iph. On nous laiſſeroit-là avec notre perfection intérieure.