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Iph. Il faut pour cela bien de la généroſité.

Mél. Il faut ſeulement de la juſtice. Êtes-vous ſans défauts ? N’aurez-vous pas beſoin de l’indulgence des autres ? Diſpoſez-vous donc à vouloir bien accorder ce que vous exigerez sûrement.

Iph. J’ai de grands défauts ; mais je ſuis un enfant, je travaillerai ſur moi-même, & je me corrigerai.

Mél. L’indulgence eſt au nombre des vertus, c’eſt elle qui fait valoir toutes les autres ; ainſi par conſéquent, la perfection même ne vous en diſpenſeroit pas, au contraire.

Cén. Il me ſemble d’ailleurs qu’il eſt plus commode de ſe taire que de ſe fâcher ; il faut ddéteſter le mal, & fermer les yeux, autant qu’il eſt poſſible, ſur celui qu’on ne peut empêcher.

Mél. L’intolérance entraîne toujours avec elle la diſpute & l’aigreur ; évitons les méchants, mais ſachons vivre avec eux, ſi la deſtinée nous y force, & plaignons-les. Ils ſont auſſi dignes de compaſſion que de mépris.

Cén. Maman, expliquez moi ce que c’eſt d’être méchant, je ne le comprends pas bien.

Mél. Ma fille, un méchant c’eſt un mauvais cœur, incapable d’aucune eſpece de ſenſibilité, qui n’aime rien.

Cén. Ah, Maman ! vous avez raiſon de dire qu’il faut le plaindre. Il ne peut jamais être heureux.

Mél. Les méchants ſont rares, mais les méchancetés ſont communes ; elles ſont pro-