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donné les plus grands ſujets de mécontentement ; mais que depuis deux mois, elle étoit charmée de vous.

Iph. On s’accoutume à tout : moi, j’ai pris mon parti ſur ma figure ; le temps que je paſſois à ma toilette, je l’employe à lire, à jouer du clavecin.

Mél. C’eſt un parti qu’il faudrait prendre quand vous ſeriez la beauté même.

Cén. Nous nous répétons toute la journée que nous n’avons perdu qu’un peu plutôt ce que nous devions néceſſairement perdre un jour, & que nous y aurons gagné des réflexions & une inſtruction que nous n’aurons peut-être jamais eue ſans cela.

Mél. C’eſt penſer à merveilles.

Iph. Il eſt bien plus doux de plaire par les charmes de ſon caractere & de ſon eſprit, que par ceux de ſa figure ; & ſi avec celle que j’ai, j’y puis parvenir, j’en ſerai plus flattée que ſi j’étois encore jolie.

Mél. Encore jolie ! — Réellement, Iphiſe, vous croyez avoir été jolie ?

Iph. Je puis dire à préſent ce que j’en penſois ; c’eſt comme ſi je parlais d’une autre perſonne.

Mél. Eh bien ?

Iph. Eh bien, Maman, ſans être régulière, j’étois fort agréable, & véritablement jolie.

Mél. Eh bien, mon enfant, vous êtes dans l’erreur ; vous n’étiez point laide, mais vous aviez une figure infiniment médiocre.

Iph. Vous dites cela pour diminuer mes regrets, Maman ; vous êtes bien bonne.