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juſtes violences ; enfin, en connoiſſant vos vertus, il s’attache à vous, & vous ne pouvez l’aimer.

Zir. Hélas ! je l’aime quand je ne le vois pas.

Phé. Cette maniere d’aimer eſt tout-à-fait touchante. Ah ! s’il n’avoit pour vous qu’une de ces fantaiſies mépriſables, uniquement fondée ſur les charmes extérieurs, vous auriez raiſon de lui dire, ma figure vous plaît, j’en ſuis fâchée, car la vôtre me paroît affreuſe ; il n’auroit rien à répondre : mais c’eſt votre eſprit qui lui plaît, c’eſt votre caractère qui le ſéduit. Quand vous ſeriez laide, il vous aimeroit de même.

Zir. Ah ! s’il n’étoit que laid.

Phé. Enfin, il poſſede toutes les qualités avec leſquelles vous avez ſubjugué ſon attachement, & vous y êtes inſenſible !

Zir. Enſenſible ! Non, je ne le ſuis point, mais je ne pourrai jamais m’accoutumer à le regarder.

Phé. Qu’il effraye d’abord, je le conçois ; mais lorſqu’on connoît ſa bonté, ſa douceur, eſt-il poſſible de le redouter ? D’ailleurs, ſa figure eſt bizarre, il eſt vrai ; mais après tout, j’en ai vu de plus choquantes : il ſe rend juſtice du moins, il n’eſt pas fat.

Zir. Fat — Que vous êtes folle !

Phé. Pourquoi ne le ſeroit-il pas comme tant d’autres qui ne ſont guere mieux que lui traités de la nature ?

Zir. Vous étiez avec lui tout-à-l’heure ; que vous diſoit-il ?