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Phé. Croyez qu’elle s’applaudit à chaque inſtant du bonheur d’en être délivrée ; & cependant cet objet qu’elle haïſſoit, poſſédoit tous les charmes de la figure la plus ſéduiſante ; mais il manquait d’eſprit, & ſur-tout de délicateſſe : il eſt groſſier, ignorant, il n’annonce aucune vertu, & Zirphée le trouvoit odieux.

Pha. Et vous ſavez, Phédime, quelles ſont les cauſes de mon attachement pour Zirphée ; ce ne ſont point ſes charmes qui remplit mon ame. Ô jour à jamais préſent à ma penſée, où par mon art, inviſible à tous les yeux, je m’arrêtai dans cette prairie, où les jeunes compagnes de Zirphée célébroient le jour de ſa naiſſance ! La mélancolie répandue sûr les traits de votre amie, me frappa d’abord & m’attendrit ; elle s’écarta de la foule ; & ſeule avec vous, elle s’aſſit au pied d’un palmier, & vous ouvrit ſon ame.

Phé. Et vous écoutâtes notre entretien ?

Pha. Je n’en perdis pas un ſeul mot. Zirphée ſe plaignoit de ſon ſort, & de l’union malaſſortie à laquelle on la forçoit de conſentir " Hélas ! diſoit-elle, les auteurs de mes jours ne ſont plus. Orpheline, infortunée, je ne dépends plus maintenant que de parents inſenſibles à mes prieres & à mes pleurs ; mais jeune & ſans expérience, je dois reſpecter leur autorité, & le premier devoir de mon âge eſt celui de l’obéiſſance : j’ai perdu les guides que la nature m’avoit donnés, la loi m’en a aſſigné d’autres auxquels je dois me ſoumettre. S’ils abuſent de leur pouvoir, ils ſeront encore plus à plaindre que moi :