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mon cœur. — Dieu veut-il m’éprouver, ou combler ma miſere ?

L’Ange. Lui ſacrifieriez-vous, ſans murmure, le ſeul bien qui vous reſte — cet enfant ſi chéri ?

Agar. Je le tiens de ſa bonté. — il peut me retirer ſes bienfaits. — (Elle ſe relève, & court auprès de ſon fils.-) Mon Fils ! — C’eſt en vain que je l’appelle. Hélas ! il m’entendroit s’il reſpiroit encore. La voix de ſa mère déſolée ranimeroit ſes ſens. Mes cris ſont ſuperflus. Iſmaël n’y peut répondre. — Iſmaël ! ô nom jadis ſi doux à répéter ! — nom chéri ! maintenant je ne puis le prononcer qu’en frémiſſant.

L’Ange. Agar ! pourquoi vous livrer à ce vain déſeſpoir ! — vous pleurez votre Fils. Il paroît mort à vos yeux : mais doutez-vous de la puiſſance immortelle du Seigneur ?

Agar. (ſe relevant.) Sa puiſſance ! — Ah ! ſans doute, il peut tout, il peut tarir la ſource de mes larmes ; il peut me rendre mon Fils. — Inſensée que je ſuis ! Je pleurois, & Dieu me voit & m’entend. L’excès de ma douleur l’offenſoit peut-être. Cette idée m’accable & me déchire. Pardonne-moi, grand Dieu, de coupables tranſports ! — Daigne jetter ſur cet enfant un regard paternel ; que ſon innocence te touche ! Ah ! puiſſe-t-il du moins n’être pas la victime des fautes & de la foibleſſe d’une mere infortunée ! — Ô Ciel ! que ta colere ne tombe que ſur moi ! — mais rends le jour à mon Fils : qu’il vive ! que je puiſſe encore une fois lui parler et l’entendre, ô mon Dieu ! — &