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couler ſes larmes, ô Ciel ! c’eſt un ſupplice que je ne puis endurer. — Il épuiſe toute ma conſtance. Comme il dort ! — Pauvre enfant ! (Elle l’embraſſe.) Son viſage eſt brûlant, le ſoleil donne ſur ſa tête. Hélas ! même en dormant, il eſt donc deſtiné à ſouffrir ! — Mais ne pourrois-je pas, avec mon voile lié à cette branche, lui former un abri ? (Elle veut tirer la branche à elle.) Je ne puis atteindre, il faut me lever & détacher mon voile. (Elle ſe leve, fait un mouvement qui renverſe le vaſe qui étoit à ſes pieds, & répand l’eau.) Grand Dieu ! qu’ai-je fait ? — Ce vaſe, ma dernière eſpérance, mon unique reſſource, la vie de mon fils ? — Ah ! malheureuſe ! cette eau pouvoit du moins lui ſuffire encore juſqu’à demain — & d’ici-là, de nouvelles recherches nous auroient peut-être fait découvrir une fontaine ! — (Elle tombe accablée de douleur auprès de ſon Fils.) Ah, Ciel !

Iſm. (ſe réveillant.) Maman !

Agar. Ô mon Fils !

Iſm. Maman ! je brûle, — je n’en puis plus — un feu cruel me dévore.

Agar. (le prenant dans ſes bras, & le couvrant de ſon voile.) Mon Dieu, prenez pitié de l’excès de ma peine !

Iſm. Maman, je meurs de ſoif ; une goutte d’eau, Maman, & vous me rendrez la vie.

Agar. Eh bien, mon Fils, eh bien ! reçois donc mon dernier ſoupir. — Tu meurs, j’en ſuis la cauſe ; pardonne-moi, je vais te ſuivre.

Iſm. Maman, vous avez donc bu toute l’eau ?