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Iſm. Et cependant la fatigue, le chagrin nous accablent : privés d’aſyles & de nourriture, comment réſiſter à tant de maux ?

Agar. Par le courage qui les mépriſe ; par la reſignation qui s’y ſoumet ſans murmure. Souffrir eſt le partage de la vie : c’eſt un temps d’épreuve & d’orage, temps rapide & court ! ſuivi, pour la vertu, de l’immortalité, de la gloire & du bonheur. Ceſſons donc de nous plaindre. Songeons aux biens qui nous attendent, & tâchons de nous en rendre dignes.

Iſm. Maman, vous ne craignez donc pas la mort ?

Agar. Hélas ! je ne crains que de vous ſurvivre.

Iſm. La mort n’eſt rien ! — c’eſt un inſtant ! — Mais ſouffrir, endurer la faim, la ſoif, ah ! Maman !

Agar. Mon Fils, il eſt encore un plus affreux tourment — c’eſt celui de ne pouvoir ſoulager ce qu’on aime.

Iſm. Ne l’ai-je pas ſenti ? — Je vous ai vue pleurer.

Agar. Ah ! mon Enfant, ſi je pouvois, en donnant ma vie, ſauver la tienne !

Iſm. Maman ! qu’en ferois-je ſans vous ?

Agar. Ô mon cher Iſmaël, — cruelle Sara ! ſi vous l’entendiez — ſi vous le voyiez. — Oui, votre cœur barbare en ſeroit attendri. Et moli, & moi, que dois-je éprouver ? — Ah ! mon Fils, ne nous laiſſons point abattre : notre ſort eſt affreux ; mais Dieux nous protege & peut le changer.

Iſm. Ce déſert produit bien quelques fruits