Page:Genlis - Theatre a l usage des jeunes personnes 1 (1781).djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dor. De qui voulez-vous parler, s’il vous plaît ?

Toin. Ah, voilà mon ſecret.

Dor. Vous pouvez le garder. Je n’ai nulle envie de l’apprendre. Mais de quoi je veux vous inſtruire, c’eſt qu’il faut que vous ayez la bonté de changer le ton que vous avez pris depuis quelque temps, non pas avec moi, car vos diſcours me ſont abſolument indifférents, mais avec Mademoiſelle Lucie. Véritablement vous vous oubliez : vos manieres avec elle ne ſont pas ſupportables ; vous contrôlez ſans ménagement tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle dit. Il ſemble réellement que vous ayiez de l’averſion pour elle. Si cela continue, je vous préviens que j’en avertirai Madame. C’eſt un devoir dont je ne pourrai me diſpenſer.

Toin. Vous êtes trop judicieuſe, Mademoiſelle, pour ne pas entendre auparavant ma juſtification. Premiérement, perſonne n’eſt plus attachée que moi à Mademoiſelle Lucie ; je n’ai pas le bonheur de lui plaire, mais je l’aime, parce qu’en dépit de tout ce qui s’y oppoſe, elle eſt bonne, ſenſible & franche. Ce qu’elle fait de mal, ne vient pas d’elle. Quand elle ne dit pas la vérité, quand elle eſt dure, hautaine, capricieuſe, tous ces défauts lui ſont inſpirés ; ils ne ſont pas dans ſon caractere, car ſon naturel eſt excellent. Ainſi, quand je la blâme, ce n’eſt pas elle que je déſapprouve — Vous devez comprendre cela. Je le définis mal, il y a peut-être un peu d’ob-