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dans la ſociété. Les vrais, les grands talents, ſont ſi rares dans les perſonnes de votre état !

Luc. Eh ! voilà préciſément ce qui fait qu’il eſt ſi flatteur d’en avoir. — Tenez, Toinette en aura tout de bon ; eh bien, je voudrois lui reſſembler.

Dor. Ah ! par exemple, voilà un ſouhait bizarre.

Luc. J’aime Toinette, je ne ſuis point jalouſe des avantages qu’elle a ſur moi ; mais je les vois, & il y a des inſtants où cela m’afflige.

Dor. En vérité, c’eſt être également aveugle ſur ſon compte & ſur le vôtre. Vous êtes remplie d’eſprit, vous avez les plus heureuſes diſpoſitions pour apprendre ; & Toinette eſt une petite fille capable d’aſſez d’application, mais au fond très-bornée, malgré ſon petit air ſournois & ſon ton cauſtique & moqueur.

Luc. Non, ne vous y trompez pas, Toinette a de l’eſprit, avec ſa mine douce & naïve.

Dor. Vous êtes bien en état d’en juger, mais vous êtes ſi indulgente. — Enfin, cela tient eût-être à la comparaiſon que je fais ſans ceſſe d’elle à vous ; mais elle me déplaît extrêmement.

Luc. J’en ſuis fâchée, car j’aime Toinette.

Dor. Elle a cependant une certaine groſſiéreté, une rudeſſe dans le caractere, qui ne devroient guere ſympathiſer avec vous.

Luc. Il eſt vrai qu’elle dit les choſes un peu crûment ; cela me fâche quelquefois, & puis je lui pardonne : cela eſt ſingulier, ſa ſincérité me choque. Toinette moins franche, me feroit ſûrement plus agréable ; mais peut-être