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Mel. Prouvez-le-moi donc en me ſecondant. J’exige encore une choſe de vous, c’eſt que vous donniez quelques ſoins à l’éducation de cette petit fille qui eſt élevée auprès de Lucie.

Dor. Toinette ?

Mel. Oui. Elle eſt orpheline, & fille d’une femme qui fut quinze ans à mon ſervice, & qui me la recommanda en mourant : d’ailleurs, cette jeune perſonne annonce le meilleur naturel ; elle eſt remplie d’heureſes diſpoſitions ; vous voyez comme elle profite des leçons que vous donnez à Lucie ; elle deſſine ; elle joue du clavecin toute la journée : je ne ſuis pas en état de juger ſi c’eſt avec ſuccès ; mais ce deſir d’apprendre à ſon âge, la rend réellement intéreſſante.

Dor. Je vous obéirai, Madame ; mais je vous avoue que je n’ai pas une grande idée de ſon eſprit.

Mel. Elle eſt douce, ingénue, ſenſible & vraie ; avec les perſonnes à qui elle doit du reſpect, elle ne parle guere qu’on ne l’interroge ; mais ſes réponſes ſont juſtes ; elle ne fait rien que de bien ; elle eſt réſervée, diſcrete, appliquée, reconnoiſſante ; elle ſait ſe faire aimer. S’il eſt vrai qu’on puiſſe être tout cela ſans eſprit, vous conviendrez que l’eſprit eſt un avantage dont on peut très-facilement ſe paſſer. (Elle regarde à ſa montre.) Mais je m’oublie tout en cauſant ; il eſt midi ; j’ai vingt perſonnes à déjeûner qui doivent être arrivées à préſent.

Dor. Ne fait-on pas une lecture aujourd’hui chez Madame ?