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noble & ſi touchant, ſeront à jamais gravés dans mon ſouvenir : tous les yeux fixés ſur elle, ſe rempliſſoient de larmes : elle a fait couler les miennes ; j’ai partagé l’enthouſiaſme qu’elle inſpiroit, & j’ai joint avec tranſport mon ſuffrage à celui de toute l’aſſemblée.

Cla. Ô ma chere Roſalide, amie la plus ſenſible & la plus généreuſe !

Lum. Vous l’emportez, ma ſœur, jouiſſez de votre triomphe ; ne craignez point de m’affliger, j’admire votre ouvrage, & mon cœur applaudit ſans effort au juſte ſuccès qui le récompenſe : venez, aimable & vertueuſe Clarinde, venez recevoir la couronne.

Cla. Ma chere Roſalide — je ne puis l’accepter qu’en la partageant avec vous.

Lum. Ô Ciel ! —

Ros. Moi ! —

Cla. Oui, telle eſt mon irrévocable réſolution.

Ros. Non, non, vous ſeule en êtes digne.

Cla. Je vous offre ce que j’aurois accepté de vous : ſi vous m’aimez autant que je vous aime, Roſalide, vous ne balancerez plus.

Bien. Régnez l’une & l’autre ; rempliſſez tous les vœux des peuples, qui n’ont pu placer Clarinde ſur le trône ſans regretter Roſalide !

Ros. Après le choix qu’ils ont fait, que pourroient-ils deſirer encore ? — Ah ! ce jour m’a trop appris à me connoître, pour que je puiſſe regretter un trône auquel je rougis maintenant d’avoir oſé prétendre.

Cla. Vous n’avez à rougir que d’outrager l’amitié par vos cruels refus.