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irréprochable, n’étoit point coquette ; mais l’habitude lui rendoit nécessaires les applaudissemens des connoisseurs. En vain des voisins sans goût et sans oreille répétoient, lorsqu’elle jouoit de la harpe : cela est bien joli, ou madame chante à merveille ; de tels éloges ne pouvoient la dédommager des bravos et des extases des virtuoses. Le manque d’émulation et le mauvais état de sa santé lui ôtèrent même bientôt le goût de la musique, et elle se trouva dans un désœuvrement qui la plongea dans le plus profond ennui ; son caractère éprouva l’altération la plus fâcheuse ; elle devint inégale, fantasque ; l’impertinence, l’aigreur, et une déraison puérile, se joignirent à son insipidité naturelle. Alors, Dalidor, impatienté, tourmenté dans tous les momens du jour, maudit plus d’une foi la frivolité qui lui avoit fait préférer une musicienne sans esprit, à une jeune personne douce, modeste, aimable et sédentaire. Son inconnue vint se retracer à son imagination plus vivement que jamais. Elle a maintenant, se disoit-il, di-huit ou dix-neuf ans ; qu’elle doit