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ce pauvre vieillard. — Comment, mademoiselle, il vient de recevoir de vous trente-six sous !… — Mais songez donc que mon bon papa est aveugle aussi, et qu’il est de cet âge… — Eh bien ! mademoiselle, Qu’est-ce que cela fait ? — Ma chère bonne, si vous me refusez six francs, je vais lui donner mon cœur d’or… — Mais quelle folie donc !… Dalidor s’étoit arrêté pour écouter ce dialogue, et dans cet endroit de l’entretien, il avance le bras, en jetant six francs dans le chapeau de l’aveugle : Bon vieillard, dit-il, voici pour mademoiselle, et voici pour moi, ajouta-t-il en jettant un autre écu. À ces mots, la jeune personne se retourna, en remerciant avec la naïveté la plus touchante, et après avoir fait une profonde révérence, elle poursuivit son chemin, et elle laissa Dalidor plein de surprise et d’émotion. Il venoit de reconnoître en elle la charmante inconnue qu’il avoit vue au marché de Strasbourg huit mois auparavant ; il resta immobile pendant quelques minutes, ensuite il eut envie de suivre cette jeune personne : elle étoit déjà à deux cents pas de lui ; il se précipita