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tique avoient le dos tourné et s’occupoient d’autre chose ; la jeune inconnue se retourne, voit Dalidor, retire les roses de son panier, les pose sur l’établi de la marchande, d’herbes, et s’éloigne aussitôt sans honorer Dalidor d’un second regard. Elle fit cette action avec une simplicité parfaite, sans montrer d’étonnement et sans affecter de sévérité ; mais rien ne réprime comme cette paisible indifférence de premier mouvement. Les scènes, l’éclat, les grands airs austères ont bien moins de vraie dignité ; toujours un peu d’émotion s’y mêle ; et les hommes aiment mieux le trouble que l’insouciance ; ils savent l’interprêter à leur gré. Le dédain et la colère, quels qu’en soient les motifs, déparent toujours l’innocence, et semblent vieillir un jeune visage ; et, à tout âge, le sérieux et la froideur sont les seules expressions d’improbation que les femmes puissent se permettre. Dalidor fut si frappé de la rencontre de la jeune inconnue, qu’il sentit que l’image de cette charmante figure ne s’effaceroit jamais de son souvenir. Il s’affligea qu’une personne douée de tant de charmes,