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AUTEUR.

le mieux les femmes, ne regardent jamais fixement celles qui sont jeunes, jolies et modestes ; la galanterie, à cet égard, ressemble à l’amour ; elle craint de blesser et de profaner son objet, elle n’ose le contempler qu’à la dérobée, et c’est ainsi qu’en admirant la beauté, elle rend hommage à la pudeur. Mélanide avoit infiniment d’esprit, mais un esprit absolument dénué de grace, et le désir ardent et continuel de briller le rendoit souvent faux. Ne pensant qu’à elle, reportant tout à elle, ne parlant que d’elle directement ou indirectement, elle ne savoit ni écouter ni répondre. Quand on ne voyoit pas clairement sa vanité, on la sentoit ; on en étoit toujours ou frappé, ou importuné. Les amis de Mélanide faisoient d’elle, sans le vouloir, la critique la plus piquante ; ils avouoient qu’elle contoit mal, qu’elle étoit dépourvue du charme, du naturel et de la naïveté, et de celui de la gaîté ; mais ils prétendoient qu’elle avoit dans la conversation, de la force et de l’éloquence. Cette singulière admiration ressembloit beaucoup plus à une épi-