Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 3, 1802.pdf/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
LE BONHOMME.

elles-mêmes : cependant il avoit trente ans, de l’esprit et de la pénétration, mais il ne s’appliquoit à observer que ce qui l’intéressoit, ou ce qui lui paroissoit digne d’être remarqué ; toutes les misères et les futilités lui échappoient ; il ne les regardoit pas, ou les voyoit avec distraction. Il avoit passé sa vie aux armées ou dans sa terre ; une grande ardeur pour le service militaire, un extrême éloignement pour la licence, des sentimens religieux, fortifiés par de profondes réflexions, l’avoient toujours préservé de toute espèce de liaison avec ses camarades qui l’appeloient le philosophe, non par dérision, mais par un sentiment d’estime qu’on ne pouvoit refuser à son caractère. Il ne faisoit point de parties avec eux, mais il rendoit des services ; il ne censuroit personne, il prêtoit de l’argent, et malgré l’austérité de ses mœurs, il étoit aimé. Ayant passé le reste de sa vie dans la solitude au fond d’une terre, à quatre-vingts lieues de Paris, avec une famille vertueuse, il n’avoit pu que se confirmer dans les idées favorables que