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L’AMANT

sante, entraînée indignement par ces scélérats, avec la brutalité la plus révoltante : elle étoit pâle, mais il y avoit dans son maintien, plein de douceur et de modestie, une dignité frappante. Ses regards rencontrèrent les miens, elle tressaillit, sembla m’implorer, et je jurai de la sauver ; je l’avois entendue nommer, je m’avance vers les brigands : « Arrêtez, leur criai-je, arrêtez, je connois mademoiselle de Mauny, et je réponds d’elle. « On ne m’écouta point, on l’entraîna ; l’infortunée me remercia par un tendre regard, et je vis couler ses larmes ; son danger n’avoit pu lui en arracher !… « Soyez tranquille, lui criai-je, oui, je jure de périr ou de vous sauver ». Je volai à la municipalité ; j’étois militaire, et puissamment protégé par mes chefs ; je parlai avec feu, avec audace, en faveur de l’innocente victime. Quel droit as-tu de la réclamer ? me demanda-t-on, elle est donc ta maîtresse ou ta femme ! Je sentis que l’artifice étoit absolument nécessaire pour la sauver, et ne croyant nullement m’engager, je répondis qu’elle