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L’AMANT

J’ai six ans de plus que Léontine, je l’ai vu naître, et je m’en souviens ; nous fûmes élevés dans une terre éloignée de Paris. J’aimai Léontine comme une sœur ; et ce premier sentiment de mon cœur, se fortifioit à mesure que je voyois le développement de son heureux caractère. J’avois quinze ans quand mon oncle partit pour les îles ; il me confia le projet formé entre Darmond et lui, d’unir un jour mon sort à celui de Léontine ; j’y applaudis avec transport, cette idée me rendit Léontine plus chère. Quelques années après, la révolution et la guerre m’obligèrent à me séparer de Léontine, elle n’avoit que douze ans ; mais avant de la quitter pour si longtemps, je l’instruisis, en présence de son père, du projet de nos familles ; elle reçut cette confidence avec la sensibilité naïve de l’innocence. Quoiqu’elle fût encore trop enfant pour inspirer de l’amour, je l’aimois cependant assez pour trouver un charme inexprimable à m’engager de lui consacrer ma vie. Je la chérissois comme l’enfant le plus aimable, j’entrevoyois