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LE JOURNALISTE.

coup, aussi consommé dans son art que pouvoient l’être ceux qui travailloient depuis dix ans.

Quelques mois après, un des coopérateurs du journal de Mirval partit pour un grand voyage, Mirval voulut le remplacer. On lui proposa un homme de province, nommé Clainville, tombé dans l’indigence, et dont on lui vanta beaucoup l’esprit. Mirval le vit, et fut enchanté de sa conversation et de son extérieur. Clainville étoit un homme de quarante ans, de la figure la plus noble et la plus intéressante. Le malheur avoit fortifié sa vertu sans affoiblir sa sensibilité ; né avec l’esprit le plus observateur, la réflexion, autant que sa bonté, l’avoit préservé de la misanthropie, il avoit appris que de grandes fautes n’excluent pas de grandes qualités, parce qu’en général nos torts viennent moins du penchant qui nous entraîne que des circonstances qui nous maîtrisent. Cette espèce d’indulgence n’appartient qu’à l’âge mûr ; le temps seul peut la donner. Elle n’est pas faite pour la jeunesse ; les