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L’AMANT

commandation pour une personne que l’on venoit d’envoyer à Cayenne. Il se permit de censurer les mesures rigoureuses prises par le Gouvernement ; il fut épié, dénoncé, et enfin arrêté ; vingt-quatre heures après son arrivée, on le conduisit au Temple. On l’enferma dans une chambre vaste, et propre qui contenoit six autres prisonniers, parmi lesquels Rosenthall distingua sur-le-champ, un homme de cinquante ans, d’une figure intéressante et noble, qui, seul à l’écart, assis auprès d’une petite table, lisoit avec tant d’attention, qu’il se leva sans discontinuer sa lecture, lorsqu’il entendit entrer un nouveau prisonnier. Rien souvent n’excite la curiosité comme ceux qui n’en montrent aucune ; le dédain irrite et repousse, mais la sérénité de l’insouciance a je ne sais quoi d’original qui peut réveiller et piquer l’amour-propre. Après avoir reçu les complimens de ses compagnons d’infortune, après avoir répondu à mille questions faites à la-fois, Rosenthall demanda tout bas le nom du prisonnier silencieux qui lisoit à l’autre