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LE JOURNALISTE.

bientôt un assez grand nombre de souscripteurs. Durant les trois premiers mois, il n’eut à rendre compte que d’ouvrages insignifians ; mais enfin on joua une tragédie qui eut beaucoup de succès ; elle étoit d’un ami de Mirval : ce dernier en fit un extrait charmant ; il louoit avec effusion ; mais, conformément à son plan, il fit quelques critiques, il releva même plusieurs défauts que le public n’avoit pas remarqués ; cependant, comme chaque mot de critique avoit le ton de l’estime, et que les louanges étoient extrêmes, il pensa qu’en remplissant son devoir de journaliste, il étoit impossible que cet extrait pût déplaire à son ami ; il se trompoit. Les amis, aujourd’hui, veulent de l’exagération et de la flatterie ; c’est pour eux le dédommagement de l’injustice et des calomnies des ennemis. Les satires multipliées ont produit le besoin des panégyriques. La vérité, dans la bouche d’un ennemi, ne paroîtroit qu’une lâcheté, qu’une apostasie, et dans celle d’un ami, elle n’est plus qu’une trahison. L’auteur drama-