Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LE MALENCONTREUX.

l’Angleterre sous deux jours, je résolus de ne rien faire qui pût affoiblir l’opinion avantageuse que j’avois donnée de mon caractère, à deux personnes dont le suffrage m’étoit si précieux. Cette idée releva mon courage, et à trois heures du matin je me couchai, sinon satisfait, du moins tranquille.

Le lendemain, je voulus conduire moi-même Florzel chez M. Merton ; j’étois soutenu par un sentiment de gloire, qui rend tout possible. Dans les scènes de la vie, on remplit presque toujours dignement un rôle difficile, lorsqu’on sait qu’il est le plus beau, et que les autres en conviennent. M. Merton reçut froidement Florzel ; Lucy parut triste, elle avoit les yeux rouges. Elle parla peu, rougit beaucoup, et me serra la main plusieurs fois, avec l’expression la plus touchante. Florzel fut embarrassé ; j’avois sur lui la supériorité de procédés reconnus, admirés : il le sentoit, il étoit contraint, mal à son aise : ma présence gênoit sans doute aussi Lucy ; elle n’osoit, devant moi, montrer