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LE MALENCONTREUX.

Je ne pus retenir mes larmes… et je fis cette réponse :

« Il n’est plus temps… j’ai cru vous servir, et j’ai parlé… Florzel vous adore, il est au comble de ses vœux… soyez heureuse, et je ne serai point à plaindre ».

Je passai deux heures entières dans la plus grande agitation. Comment n’aurois-je pas été touché des sentimens d’une jeune personne de dix-huit ans, qui, après avoir obtenu le consentement de son père pour épouser celui qu’elle aimoit, avoit assez de grandeur d’ame pour se décider, de son propre mouvement, à sacrifier l’amour à la reconnoissance ? Je ne connoissois bien Lucy qu’en la perdant : mes regrets n’étoient que trop fondés.

Cependant, après beaucoup de réflexions, je me consolai, en me rappelant la pureté de mes intentions et de ma conduite, et en pensant que, du moins, je conserverois toujours l’estime et l’amitié du vertueux Merton et de l’intéressante Lucy. Déterminé à quitter