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LE MALENCONTREUX.

quitta. Livré à moi-même, je m’étonnai de l’espèce d’effroi que j’éprouvois, en pensant que j’avois tout dit à Florzel, et que je venois de fixer irrévocablement le sort de Lucy : je me répétois, avec le sentiment le plus douloureux : Lucy est perdue pour moi sans retour !… et Lucy me rappeloit !… Grand Dieu ! s’il étoit vrai que, touchée de mes procédés, elle eût pu d’elle-même revenir à moi !… Cette idée qui ne s’offroit distinctement à mon imagination que dans ce moment, me perça le cœur… Je me promenois avec agitation dans ma chambre, quand on vint m’apporter un billet : je reconnois l’écriture de Lucy ; j’ouvre, en tremblant, ce billet : qu’on juge de ce que je ressentis, en lisant ce qui suit :

« Je vous rappelois, quand vous m’avez quittée : pourquoi faut-il que vous n’ayez pu lire dans mon cœur !… Ô mon cher et généreux ami ! si vous n’avez point encore parlé (comme je l’espère), ne dites rien, et demain matin, à neuf heures, revenez me voir ».