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LE MALENCONTREUX.

l’homme généreux que mon affection pour vous m’avoit fait choisir ! Ô mon père ! s’écria Lucy, en le sacrifiant, je le regrette ! Ah ! que n’est-il né mon frère !… Consolez-vous, lui dis-je, chère Lucy, je le suis, je le serai jusqu’au tombeau. À ces mots, cette aimable fille jeta ses deux bras autour de mon cou et m’embrassa, en baignant de larmes mon visage… Je la serrai contre mon sein avec la plus vive émotion que j’aie éprouvée de ma vie ; ensuite je la remis dans les bras de son père, et je m’échappai… Je crus entendre, dans l’antichambre, la voix de Lucy qui me rappeloit ; je frissonnai, mais je ne m’arrêtai point. Je sortis précipitamment de la maison : une voiture m’attendoit à la porte ; j’y montai et je me fis conduire chez moi, c’est-à-dire, chez Florzel. Je ne pouvois moi-même démêler ce qui se passoit au fond de mon ame : le dernier embrassement de Lucy, cet embrassement si tendre, avoit subitement changé mes dispositions. Lucy m’avoit rappelé ; que me vouloit-elle ?… Je me repentois de n’être pas rentré dans