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LE MALENCONTREUX.

parce qu’on me croyoit l’auteur de trois pamphlets très-séditieux ; qu’en outre il y avoit en justice deux plaintes contre moi ; l’une, d’une fille séduite et grosse de six mois ; l’autre, d’un marchand de la cité, auquel j’avois volé quelques ballots de marchandises. Le prisonnier, après m’avoir instruit de ces détails, en très-mauvais françois, se retourna vers les curieux qui nous entouroient, et leur traduisit ce récit en anglois. Les uns haussèrent les épaules, les autres rioient. L’émigré, d’un ton moqueur, fit plusieurs réflexions impertinentes sur les principes et les mœurs des patriotes. Contre mon ordinaire j’avois de l’humeur ; je m’avançai vers l’émigré, et je lui proposai un petit combat à la manière de mon pays, c’est-à-dire, à coups de tête. Il me répondit avec dédain, qu’il ne se battoit pas comme les moutons. Je perdis tout-à-fait patience ; je fis cinq ou six pas en arrière, en lui criant de prendre garde à lui, que j’allois l’attaquer. Effectivement, prenant mon élan, je me précipitai tête baissée sur lui, et, avec le front,