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LE MALENCONTREUX.

dîner chez M. Merton. Alors, je pris le parti de me rendre dans une taverne où j’avois déjà dîné plusieurs fois, à table d’hôte. J’y remarquai un homme qui fixa mon attention, par la manière dont il me regardoit ; il avoit toujours les yeux attachés sur moi. Après le dîner, il me fit plusieurs questions : il me demanda mon nom, je lui dis tout simplement que je m’appelois Desbruyères, et j’ajoutai que j’étois un émigré français. À ces mots, il me quitta brusquement, et sortit avec une grande précipitation. Je restai pensif et surpris pendant quelques minutes ; ensuite je m’en allai. Je marchois lentement, lorsque, au bout de la rue, je fus tout-à coup assailli par quatre hommes qui m’environnèrent et m’arrêtèrent. Je reconnus, parmi eux, l’inconnu avec lequel je venois de dîner : c’étoient des gens de justice qui, en vertu d’un ordre en bonne forme, me conduisirent dans la prison nommée King’s-Bench. J’eus beau demander des explications, on ne m’en donna point, et je me trouvai privé