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LE MALENCONTREUX.

coup ; plus ils sont saillans, plus ils me divertissent, et cela vaut infiniment mieux que de s’en attrister. Les sots, fats et confians, m’enchantent. Quelles scènes de comédie peuvent valoir celles qu’on leur fait jouer si facilement ? Loin de les repousser, je les accueille, je les anime, je leur tourne la tête, ils m’adorent ; et le chef-d’œuvre des gens d’esprit est de savoir charmer ceux qui n’en ont pas. Florzel, assurément, possédoit ce rare talent. Le docteur Merton ne parloit de lui qu’avec enthousiasme, et répétoit continuellement que Florzel étoit le Français le plus clever qu’il eût jamais rencontré.

Cependant un mois s’étoit écoulé depuis que M. Merton m’avoit promis sa fille, et j’ignorois encore quels progrès je pouvois avoir faits sur le cœur de miss Lucy ; je remarquois seulement qu’elle me traitoit toujours avec la même bonté, qu’elle cessoit de m’observer, et qu’elle devenoit extrêmement rêveuse. Après quelques réflexions, j’en conclus qu’elle croyoit me connoître assez pour n’avoir plus besoin de m’étudier, et que, déci-