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LE MALENCONTREUX.

l’homme le plus spirituel et le plus aimable de l’Angleterre. Il arriva, et je lui fus présenté par le bon M. Merton, qui lui déclara en même temps qu’il me regardoit absolument comme son gendre. Le docteur étoit ce qu’on appelle un cleverman[1] de province, c’est-à-dire, à mon avis, tout ce qu’on peut imaginer de plus fatigant et de plus insupportable. Ce docteur avoit une telle prétention de gaité, qu’il éclatoit de rire à chaque mot ; il annonçoit ce brillant caractère, en disant bonjour, car ce bonjour étoit accompagné du plus singulier ricanement, qui, ensuite, se transformoit de minute en minute en éclats immodérés, sans que jamais personne fût dans le secret de cette surprenante joie. Il ne parloit qu’en plaisanteries presque toujours ironiques, et il s’épuisoit beaucoup moins en bons mots qu’en efforts de poitrine. Je me sentis une telle antipathie pour ce personnage, qu’il me fallut un grand empire sur moi-même et tout mon respect pour M. Merton,

  1. Un homme piquant, gai, persiffleur, etc.