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LE MALENCONTREUX.

infiniment cet examen. Le rôle d’amant étoit si nouveau pour moi, que j’avois toutes les frayeurs du monde de paroître choquant aux yeux d’une personne douée de tant de délicatesse. En effet, miss Lucy, qui, jusques-là, m’avoit traité comme un homme sans conséquence, commença à me regarder avec douceur et bonté, mais en même temps avec un air attentif qui me causoit une gêne mortelle. Pour la première fois de ma vie, j’éprouvois, en mille petites choses, un embarras insurmontable ; je craignois de marcher gauchement, d’entrer dans la chambre de mauvaise grace, de faire des complimens déplacés ou de paroître indifférent ; et ne sachant absolument comment me conduire, je sentis que j’avois besoin d’un guide ; je crus n’en pouvoir choisir un meilleur que Florzel qui avoit tant d’usage du monde, et je formai le projet de le mener chez M. Merton. Ce dernier m’avoit annoncé l’arrivée de son frère, le docteur Merton, qui habitoit ordinairement la province, et que son frère et sa nièce regardoient comme