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LE MALENCONTREUX.

Florzel, qui, en regardant mes deux doigts blessés, me dit : Un Anglois qui a serré de la sorte une main, a tout promis ; tu peux être certain, mon cher Kerkalis, que M. Merton s’est engagé à te donner sa fille. Ces doigts coupés valent un contrat. Malgré cette assurance et un secret pressentiment, je n’osois encore me livrer à une telle espérance ; mais bientôt je fus assuré de mon bonheur. M. Merton s’expliqua clairement ; il me dit qu’il me destinoit sa fille si elle n’y mettoit point d’opposition ; il ajouta qu’il lui avoit déjà parlé ; qu’elle avoit répondu que son cœur étoit parfaitement libre, qu’elle m’estimoit, qu’elle ne rejetoit nullement cette proposition, mais qu’elle demandoit deux mois pour y réfléchir. Je fus charmé, comme je devois l’être, de pouvoir raisonnablement prétendre à la main d’une personne charmante, et fille de l’homme du monde que je révérois le plus. Cependant j’avouerai naturellement que je craignois beaucoup de revoir miss Lucy ; j’imaginois bien qu’elle alloit m’étudier avec attention, et je redoutois