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LE MALENCONTREUX.

de recommandation sous mon nom supposé de Desbruyères, pour le banquier Merton ; il demeuroit dans la rue d’Oxford, et j’y fus un matin. Il me reçut avec politesse et bonhomie. Il avoit jadis voyagé en France, et il aimoit les Français qui montroient des sentimens modérés. Comme nous causions en prenant le thé, la porte de son cabinet s’ouvrit, et M. Merton me dit : Voilà ma fille que je vous présente. Je me retournai, et j’éprouvai une surprise très-agréable, en reconnoissant, dans la fille de M. Merton, la jeune personne que j’avois escortée dans les bruyères de Stone-Henge. Miss Lucy (c’étoit son nom) fit une exclamation très-flatteuse en m’apercevant. Je vis qu’elle avoit conté cette aventure à son père, car, aussi-tôt qu’elle eut dit que j’étois l’inconnu des déserts (ce fut son expression), son père me secoua violemment la main ; et c’est en Angleterre, non une vaine démonstration, mais un signe certain d’estime ou d’amitié. Ce qui surtout excitoit la reconnoissance de M. Merton, étoit la conduite peu galante que