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LE MALENCONTREUX.

Le comte de Steinbock ne passa que quinze jours à Bath, au bout desquels nous retournâmes à Londres. J’y rencontrai un soir à Rensington, un jeune émigré, le chevalier de Florzel, que j’avois vu jadis garde-marine à Brest. Nous renouvelâmes connoissance. Florzel étoit plein d’esprit, d’instruction, de gaîté, et les malheurs du temps n’avoient pu changer son caractère. D’ailleurs, il n’étoit point à plaindre personnellement. Sa mère, dont il étoit le fils unique, avoit emporté beaucoup d’argent de France, et Florzel, d’une naissance très-illustre, avoit à la cour d’Angleterre de puissans protecteurs. Ce jeune homme léger, mais obligeant et bon, ne se mêloit point du tout de politique, et il plaignoit ses compatriotes malheureux de quelque parti qu’ils fussent.

Je demandai le secret à Florzel sur mon véritable nom ; il approuva mon incognito, parce que deux hommes de mon nom occupant des places en France, Florzel pensoit que sous mon véritable nom je n’aurois pas été reçu en Angle-