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LE MALENCONTREUX.

En songeant à mon sort actuel, j’oubliai tous mes malheurs. En effet, je devois être satisfait de ma situation. Le comte de Steinbock (ce seigneur autrichien dont je viens de parler) étoit le meilleur homme du monde, il n’avoit qu’un défaut, celui de détester toute espèce de nouveauté et d’innovation en tout genre, et par conséquent les opinions nouvelles et la révolution française. Ce seigneur, âgé de cinquante-six ans, raisonnoit peu, et jugeoit impérieusement ; il attachoit un prix infini à l’avantage d’une grande naissance, et son seul argument à cet égard, étoit celui-ci : Quoi qu’on fasse, les nobles seront toujours nobles. Il répétoit souvent cette phrase en fumant, et toujours avec la même satisfaction. Trois ou quatre sentences de ce genre, formoient toute sa conversation ; aussi ne parloit-il qu’en faisant de très-longues pauses, avec un air pensif et réfléchi ; d’ailleurs, il étoit excessivement réservé, discret, et même mystérieux : il avoit une telle crainte de se compromettre, qu’un jour où l’on parloit en sa présence des affaires