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la foule, poursuivit le chevalier, je n’y verrai que vous, et je n’obtiendrai pas un regard… déjà même vos yeux évitent les miens… Quelle folie ! s’écria la baronne ; je vous regarde, et c’est vous qui détournez la tête. Mais consolez-vous, mon pauvre chevalier, je vous promets de jouer au reversi tous les soirs avec vous ». Pendant ce dialogue, madame de Nelfort eut toujours les yeux baissés. Elle fut plus embarrassée que surprise, en entendant le chevalier s’expliquer aussi clairement devant la baronne, car elle savoit que la baronne étoit sa confidente ; mais respirant à peine pendant cet entretien, elle écoutoit attentivement, et gardoit le silence. Le chevalier poussant un profond soupir, et s’adressant à la baronne : « Que vous êtes cruelle, dit-il, de plaisanter ainsi, quand vous savez que dans cinq ou six jours !… ». Il s’arrêta, mit ses deux mains sur ses yeux, se leva brusquement et sortit. « Que veut-il dire ? demanda madame de Nelfort. Il m’a confié, répondit la baronne, qu’il a le projet de faire un grand voyage. —