Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heur de cet heureux mortel ! Mais l’homme infortuné qui vous aime le mieux, c’est celui-là qui est à plaindre. Il ne goûtera jamais le charme de l’espérance ; ne seroit-il pas généreux de lui offrir au moins une consolation ?… Il est vrai que vous ne le connoissez pas, et qu’il ne se nommera jamais… — Vous faites-là une supposition extravagante, je vous assure que personne au monde n’a pour moi l’espèce de sentiment dont vous voulez parler. Ce seroit une si grande folie !… — Oh ! cela, j’en conviens et je vous le disois. Mais cependant vous devez bien penser que dans le nombre des gens qui vous connoissent, il en existe un, surtout, qui vous aime passionnément. — On n’aime point ainsi sans espérance. — Hélas ! qu’en savez-vous ?… Croyez-moi, ce malheur, le plus grand de tous… est possible. Il prononça ces paroles avec un ton de vérité si touchant, que le peloton de soie échappa des mains de madame de Nelfort, et alla rouler à l’autre extrémité du salon. Le chevalier fut obligé de se relever pour l’aller ra-