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réglée et l’imagination vive. Il ne faut nul effort d’imagination pour se représenter tous les plaisirs que peuvent procurer la coquetterie et la galanterie, on a toujours ce tableau sous les yeux ; celle qui en est séduite, ne voit que ce qu’il semble offrir ; celle qui le méprise, en devine le revers ; celle-là seule a besoin d’imagination. Le fruit du vice peut toujours se cueillir sans délai, celui de la vertu doit mûrir. L’un donne à l’instant, l’autre seulement promet ; enfin, le salaire du vice est payé sans retard, le prix de la vertu n’est placé que dans l’avenir. Il faut une imagination très-forte pour se représenter, d’une manière frappante, ce qu’on voit de si loin, et pour préférer un bien, sans doute suprême, éternel, mais abstrait, à toutes les séductions des passions.

Madame de Nelfort avoit un cœur sensible et une tête très-susceptible d’exaltation ; mais le calme et la fierté de son ame répandoient sur toute sa personne quelque chose d’austère et de froid qui, sans être affecté, donnoit une fausse idée de