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LE MALENCONTREUX.

hôte, suivant ma coutume, la clef de ma chambre. Je sortis à huit heures, et je ne rentrai qu’à midi ; je montai dans ma chambre, et je fus très-étonné d’y trouver trois hommes inconnus qui s’y promenoient gravement, de long en large. L’un d’eux, après m’avoir demandé mon nom, me présenta un papier, et sortit aussitôt avec ses compagnons. Je déployai le papier, et j’y lus un ordre positif du gouvernement de quitter Lauzanne sous deux heures. Confondu d’une telle disgrace, j’en cherchois en vain la cause, lorsque je fus tiré de ma rêverie par mon hôtesse qui entra brusquement dans ma chambre. Cette femme détestoit tous les émigrés, non qu’elle eût aucune opinion politique, mais parce qu’elle n’estimoit les voyageurs qu’en proportion de la dépense qu’ils étoient en état de faire. L’économie des fugitifs lui inspiroit le plus profond mépris pour la cause dont ils étoient les victimes ; mais, afin de justifier ce sentiment, elle ne manquoit jamais de soupçonner les émigrés tout-à-fait ruinés, d’un fond de