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LE MALENCONTREUX.

que pour aller me promener tout seul. Je lus dans les papiers publics, que la France manquoit absolument de blé, et par conséquent de pain ; les détails de la famine que souffroient mes malheureux compatriotes, me touchèrent sensiblement ; je me rappelai que j’avois entendu dire jadis à feu mon oncle, à son retour d’un voyage en Espagne, que l’on vendoit dans les marchés de Madrid une espèce de gland que l’on faisoit cuire comme des châtaignes, et dont le peuple se nourrissoit[1] : il me parut que cet aliment si simple pouvoit, dans un temps de disette, suppléer au pain. En conséquence, je composai sur cet objet un mémoire très-détaillé ; cet ouvrage fait, je me décidai à l’envoyer par la poste au président de la Convention nationale. Comme la poste ne partoit que le lendemain, je fermai mon paquet, j’y mis l’adresse, je le posai sur ma table, et j’allai me promener, en laissant à mon

  1. Ce fait se trouve dans le Dictionnaire de Bomare.