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LE MALENCONTREUX.

sentois découragé, et le découragement est le désespoir des caractères doux et paisibles. J’étois entré dans le jardin, avec un arrosoir que je tenois toujours, mais d’une main défaillante ; de sorte que l’eau s’épanchoit sans que je m’en aperçusse, et en même temps mes pleurs couloient avec amertume !… Enfin, sortant de cet abattement stupide, je jetai loin de moi l’inutile arrosoir, et je sortis précipitamment du jardin et de la maison. J’errai au hasard, sans projet, et sans remarquer où j’étois. Cependant, en marchant, je me calmai peu à peu, lorsqu’en revenant sur mes pas, sans m’en apercevoir, je me trouvai, au bout de trois quarts-d’heure, sur les bords du lac ; et levant les yeux, j’aperçus, à vingt pas de moi, la haie d’aubépine fleurie de mon jardin ! Cette vue me fit tressaillir, et renouvela ma peine ; je me retournai brusquement : dans cet instant, deux bateliers passèrent, je les suivis ; ils consentirent à me recevoir dans leur bateau, et me conduisirent à Arth, où je passai la nuit. Le lendemain matin, me rappelant