Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE MALENCONTREUX.

je me faisois un extrême plaisir de lui causer une grande surprise. Tous mes essais ayant parfaitement réussi, j’avois dans mon jardin des artichauts, des melons, et beaucoup d’autres légumes qu’on n’avoit jamais vu croître à Zug. Environ trois heures avant l’arrivée de mon maître, je montrai solennellement mon jardin à plusieurs habitans et jardiniers que j’avois invités, et qui parurent étrangement surpris, en voyant mes couches et mes nouvelles plates-bandes. Ils me quittèrent assez brusquement, et m’envoyèrent une foule d’autres paysans qui vinrent examiner mes travaux. Cette curiosité étoit pour moi l’hommage le plus flatteur, et j’en jouissois vivement. Mon maître arriva : je le conduisis sur-le-champ dans le potager ; mais, au lieu de la joie et de la satisfaction dont j’attendois le témoignage, il me regarda avec des veux étincelans de colère, en me demandant d’un ton furieux, qui m’avoit ordonné de faire toutes ces extravagances qui ne serviroient, ajouta-t-il, qu’à faire piller son jardin ? En ache-