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disant qu’elle l’avoit reçue en présent d’une dame à laquelle depuis la révolution elle avoit rendu quelques services. Madame Martin fit parfaitement ma commission ; elle étala dans sa chambre toutes les oranges qu’elle gardoit, ce qui ne laissa aucun doute sur la sincérité de son récit ; les oranges furent acceptées avec une vive reconnoissance, surtout de la part de Caliste (on appeloit ainsi mademoiselle d’Armalos) ; car c’étoit le seul aliment que sa mère prît sans dégoût.

« Je n’avois pas oublié que Caliste avoit vendu le seul vêtement qui la pût garantir un peu du froid ; il falloit la tromper pour lui en rendre un autre. J’en trouvai le moyen. Je découvris qu’une femme à laquelle elle avoit donné plusieurs leçons de piano, venoit d’émigrer subitement sans lui payer ses cachets ; j’achetai une pelisse de satin gris très-simple, mais longue, ample et bien fourrée ; j’enveloppai dans un papier l’argent des cachets ; je fis un paquet du tout, sur lequel d’une écriture contrefaite j’inscrivis ces mots : de la part de madame de ***,