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céleste image de la paix ; là, tout est calme, immuable, harmonieux… Il s’étonne, comme s’il voyoit pour la première fois ce ravissant spectacle ; son ame flétrie se relève malgré lui, sa bouche murmure encore, mais sa conscience dément ses discours, et ses pleurs recommencent à couler… Ô pouvoir de l’habitude, s’écrie-t-il ; pouvoir inconcevable des préjugés inspirés dès l’enfance !… En disant ces paroles, il se lève précipitamment, descend du rocher, et continue sa route.

Delrive se rendit à Lausanne, où il arriva sur la fin du printemps de l’année 1793… Il se mit en pension dans une maison où logeoit aussi un autre émigré françois ; c’étoit un vieillard, parent de feu son père. M. d’Orselin (c’est le nom du vieillard) étoit un homme d’esprit qui avoit adopté, avant la révolution, tous les principes philosophiques, et qui les abhorroit depuis trois ans, car il avoit perdu cent mille livres de rente, une superbe terre, et une maison charmante à Paris. Cependant, le respect humain et l’habitude l’empêchoient de se rétracter