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LE MALENCONTREUX.

rien entendre : j’expédiai promptement mes affaires, et j’eus le bonheur d’échapper sain et sauf, de ce périlleux message. J’instruisis l’hermite de cet événement, et il m’expliqua que ces paysans soupçonnoient tous les Français nouvellement émigrés, d’avoir combattu à Paris, le 10 août, journée sanglante où tant de Suisses perdirent la vie ! D’après cette explication, je craignis d’exposer le repos du bon hermite en restant avec lui, et, malgré ses regrets et les miens, je m’arrachai de cette douce solitude, et je me rendis à Zug. Voulant ménager précieusement mes cent louis, pensant d’ailleurs que l’état le plus obscur étoit au fond le plus heureux, et devenoit de jour en jour le plus sûr, je me fis jardinier, et j’entrai au service d’un seigneur Suisse qui habitoit une jolie maison de campagne à un demi-quart de lieue de la ville. Son jardin potager étoit spacieux et en bon état ; cependant, je fus très-surpris de n’y trouver que des pommes de terre, cinq ou six espèces de gros pois et des légumes ; mais de n’y voir, ni