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LE MALENCONTREUX.

mon goût pour les plantes, mon séjour sur les montagnes, m’avoient rendu suspect aux habitants de la contrée, et qu’enfin, suivant l’opinion commune, j’étois un sorcier, ou du moins un espion. J’admirai la diversité des opinions des hommes ; il me parut bizarre d’être chassé de ce canton comme sorcier, lorsqu’en France, par un jugement solennel, on m’avoit déclaré imbécile. Je me soumis à la nécessité : je quittai ma retraite, dans l’intention de me rendre à Zug. Après avoir fait environ deux lieues, je me trouvai sur les bords du lac Lauwerz ; je le côtoyai, en admirant la beauté des points de vue que présentoit l’autre rive ; au bout d’une heure de marche, je m’arrêtai devant une chapelle élevée en l’honneur de Guillaume Tell. J’en examinois les peintures à fresque qui décorent l’extérieur des murailles, lorsqu’un grand homme, d’une fort belle figure, et vêtu d’une longue robe brune, passa près de moi : cet habillement, semblable à celui d’un moine, me frappa ; l’inconnu, m’examinant à son tour, vit que