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LE MALENCONTREUX.

je cueillois des plantes, j’examinois la nature du terrain, je méditois et je pensois souvent, avec amertume, aux bruyères de Bretagne et aux landes de Bordeaux. Un jour, qu’assis sur un rocher, j’étois plongé dans une profonde rêverie, j’en fus tiré fort douloureusement par une commotion si violente, que je crus d’abord avoir l’épaule droite cassée ; je me retournai, et je vis plusieurs paysans qui me lançoient des pierres : je me levai précipitamment, et, sans demander d’explication, je me mis à courir de toutes mes forces, la frayeur me donnoit des ailes : je perdis bientôt de vue les assaillans ; j’entrai dans un bois, et, lorsque mon émotion fut calmée, je réfléchis à cette aventure, sans pouvoir concevoir comment, à la vie que je menois dans ce pays, j’avois pu me faire des ennemis si acharnés et si dangereux. Je passai une partie de la journée dans les bois, et sur le soir, je retournai à la chaumière. Je trouvai mon hôte fort agité : comme je commençois à comprendre son langage, il me fit entendre que mes promenades